Cet épisode marque l’arrivée de nos deux explorateurs dans la région des Trois Gorges. Après quelques démêlés heureux avec la police, ils continuent leur expédition vers le plus grand barrage du monde. Ils traversent ces villes qui doivent déménager pour échapper à la montée des eaux du barrage. Les habitants démontent les maisons une par une pour les reconstruire plus haut, car les villages vont être engloutis par les eaux. Il est tant pour Geoffroy de faire un tour chez le coiffeur… L’occasion de rencontrer Yuan Li, jeune et sympathique coiffeuse, qui nous fait visiter son appartement, exigu mais convivial.
Si les Chinois ont ici accès à l’eau courante, immense progrès par rapport aux villages reculés de l’ouest, l’eau qui coule du robinet n’est cependant pas encore potable, et il n’y a souvent qu’un robinet par étage. Il faut la filtrer avant de la boire. Pour Yuan Li, qui a grandi dans un village sans eau courante, l’accès direct à l’eau représente déjà un avantage considérable. Elle illustre bien la vitesse du développement de son pays : en une génération, d’un village à une ville, on passe d’un accès laborieux à l’eau à un accès direct et sans effort. On devine également les inégalités face à l’eau, entre les habitants des campagnes et ceux des villes. Et maintenant, à la douche ! Yuan Li nous explique comment ça marche. Dans le couloir, on chauffe l’eau au charbon, qu’il faut ensuite mélanger avec de l’eau froide, car elle est brûlante, puis direction la salle de bain, où on l’emporte dans un seau, pour se laver. Pas le temps de trainer car Loïc et Geoffroy doivent maintenant atteindre le barrage des Trois Gorges.
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A Yichang, ils sont accueillis par Lioa Yuasheng, un ingénieur qui travaille à la construction du barrage, qui leur permet d’accéder à des zones interdites au public et qui leur explique en détail les raisons de cette réalisation si controversée.
L’édifice, immense et impressionnant, représente-t-il un progrès qui profitera à tous, comme le stipule le gouvernement ? Ou bien cette construction, avec les déplacements qu’elle provoque et les hectares de terres qu’elle inonde, fait-elle passer le progrès avant l’environnement et les hommes ? Maintenant que le barrage est construit, l’essentiel est de mettre en place les solutions qui permettront d’éviter une catastrophe écologique.
En repartant, les deux frères affrontent une inondation… Pas très pratique avec le tricycle !
Le barrage des Trois Gorges
Le barrage en chiffres :
Début de la construction du barrage : 1992
Première mise sous eau du barrage : 2002
Date d’achèvement des travaux : 2008
Largueur du barrage : 2 km
Longueur du lac artificiel : 660 km
Capacité : 39 milliards de mètres cubes d’eau
Production de la centrale hydroélectrique du barrage : 18 gigawatts soit 84 terrrawatts par an soit 2% de la consommation annuelle chinoise, ce qui réduira la combustion de charbon de 31 millions de tonnes.
Montée des eaux : 145 m en quelques semaines, 175 m en 2008
Surface de terres cultivables inondées : 30 000 hectares
Nombre de personnes déplacées : 2 millions
Coût : 16 milliards d’euros
Pourquoi avoir construit le Barrage des Trois Gorges ?
La réponse de Lioa Yuasheng, ingénieur hydraulicien qui travaille à la construction du barrage :
« L’idée de maîtriser les eaux du Yangtsé a commencé en 1921 avec Sun Yat Sen. L’objectif était de limiter les dégâts causés par les inondations en aval et au milieu du fleuve. Il faut prendre conscience que le barrage des Trois Gorges a permis de réduire très fortement le risque d’inondation dans ces zones. On est passé d’une fois tous les dix ans à une fois tous les cent ans. Il a aussi l’avantage de produire beaucoup d’électricité, pendant que l’on relâche le trop plein d’eau. »
Au vingtième siècle, les inondations du Yangtsé ont causé la mort de 300 000 personnes, des millions de déplacés et des milliards de yuans de dégâts.
Fin 2008, date d’achèvement des travaux, la production de la centrale hydroélectrique du barrage s’est élèvée à 18 Gigawatts. Ce qui correspond à 2% de la consommation annuelle chinoise et ce qui a réduit la combustion de charbon de 31 millions de tonnes. Ce sont les principaux arguments des défenseurs du barrage et sans doute les meilleurs. Mais n’existaient-ils pas d’autres moyens ?
En effet, un barrage n’est pas sans conséquences sur les plans écologique, social et géologique. En diminuant l’écoulement des eaux, il provoque une augmentation de la pollution dans le bassin du Yangtsé, notamment par les algues vertes qui s’accumulent au lieu d’être drainées par le courant. Elles sont responsables de la disparition du dauphin du Yangtsé et mettent en danger de nombreuses autres espèces. Il y a d’autres risques : des glissements de terrain, voire des séismes.
D’un point de vue social, le barrage a provoqué le déplacement de près de deux millions de personnes qui n’ont pas toutes pu être relogées suite à la destruction d’un millier de villes et de villages. Autre effet : la quantité d’eau diminue après le barrage, ce qui entraine un manque d’eau pour l’irrigation.
Le barrage des Trois Gorges, c’est aussi une gigantesque entreprise patriotique, un rêve d’immensité qui devait fédérer la fierté chinoise autour du Parti. Il symbolise la puissance et l’indépendance du pays, qui ne recule devant aucun sacrifice pour consolider sa croissance. Qu’on soit pour ou contre, maintenant qu’il est construit, la seule alternative est de tout faire pour éviter une catastrophe écologique. En étant optimiste, on peut même voir le barrage comme une opportunité pour les Chinois, qui sont maintenant obligés de traiter leurs eaux usées s’ils veulent éviter la mort du lac et du fleuve.